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Wednesday, December 12, 2007

Un texte sur mon travail écrit par un collectionneur

Ce texte a été écrit par un de mes plus grands collectionneurs. Il a su trouver les mots pour dire ce que je peins.

L'année du bac, il y a bien longtemps maintenant, courrait dans Paris cette histoire : à l'oral de Mathélem, c'est ainsi que l'on nommait l'actuelle série S, un candidat s'était vu lancer, par l'examinateur, une craie avec cette injonction "dessinez-moi l'infini". L'élève prend la craie, trace une ligne sur toute la longueur du tableau, et s'arrête. Le professeur "c'est tout ?". Alors il reprend la craie et commence à tracer une ligne sur les murs de la classe. Le professeur "c'est tout ?". L'élève "je n'ai plus de craie". Le professeur "vous n'aviez qu'à continuer avec votre doigt ! Vous reviendrez en septembre". En septembre, il retrouve le même examinateur qui lui demande "et vous, d'où venez-vous ?" "de l'infini, Monsieur". Le professeur n'avait pas d'humour et l'élève doubla sa terminale.

Pourquoi cette histoire ? Parce que c'est l'une des toutes premières choses auxquelles j'ai pensé lorsque j'ai découvert la peinture de Dominique Hieaux. Chacun de ses traits vient de l'infini, part à l'infini et porte cet infini en lui. C'est la magie initiale de cette peinture. Ces traits si finement tracés, ciselés, finis, m'ont donné le sentiment de l'immensité, d'atteindre, enfin, à cette dimension où rien ne commence, où rien ne se termine, mais où tout continue, sans début ni fin. Comme la Vie.

Ce n'est pas tout. Cet espace infini me renvoyait, les réminiscences viennent touts seules, à un certain Blaise Pascal. "Le silence de ces espaces infinis...". Parce que c'est celà, aussi, la peinture de Hieaux. Le silence et la paix. Voilà aussi ce que j'ai ressenti. A l'instant où j'écris ces lignes, un vers de Paul Valéry chante en ma mémoire. "O mon silence... Edifice dans l'âme". Oui, un silence tonitruant et bienfaisant, un silence qui permet de construire, de se construire, dans le temps même où je reconstruis le tableau.

Et puis il y a la lumière. C'est sans doute par cela que j'aurais dû commencer. Une lumière intense, immense, vibrante, Valéry encore
"...Entre les pins palpite, entre les tombes;
Midi le juste y compose de feux
La mer, la mer, toujours recommencée...
"

La lumière de midi, quand pas une ombre ne bouge, pas une ombre n'existe. Simplement, la vibration de la couleur, le noir, aussi, est une couleur, qui se suffit à elle-même et dit l'indicible. Simple et grand. Je me souviens avoir pensé à Vézelay, toujours les réminiscences, lors de ma première rencontre avec l'œuvre de Hieaux. Comme la basilique, toujours la même et, pourtant, si différente aux différentes heures du jour. La lumière joue un grand rôle avec cette pierre, pâle, de Bourgogne. Au fil des jours et selon le temps, elle donne à l'intérieur de Sainte Madeleine des allures différentes. Pour m'y être rendu à toutes les saisons, je sais, aujourd'hui, que, la prochaine fois, je la trouverai changée selon l'humeur du temps du jour.

Si l'on regarde, attentivement, cette peinture qui n'est, sans doute ni facile ni séduisante au premier abord, quel bonheur de n'être pas, une fois de plus, confronté à la complaisance, mais tellement attachante ensuite, au point d'avoir du mal à la quitter, si l'on se laisse apprivoiser par elle tout autant qu’on l’apprivoise, alors on se rend compte que Hieaux a, là, au travers des impalpables mouvements de la lumière, saisi l’insaisissable et nous le donne à voir.

La lumière, le silence, l’infini me prennent par la main et me font entrer dans ses tableaux. En ces lieux, je retrouve un calme et une sérénité, si terriblement absents de la vie d’aujourd’hui. Cette lumière qui dans et dit sa joie de vivre, c silence qui permet tout et rend tout possible et puis cet infini qui me laisse aller là où le cœur de l’esprit se promènent librement, voilà ce que me dit, voilà ce que me donne, la peinture de Dominique Hieaux.

Tuesday, August 28, 2007

Du linge blanc sur des années de guerre...

Un espace quadrillé, hachuré. Une grille certes, mais derrière la grille on devine un paysage imaginaire, une liberté en devenir, la promesse d’un avenir calme et serein. De la lumière, des vibrations, un pan de ciel, presque rien, et c’est tout. Une grille ? Une fenêtre plutôt. Une fenêtre qui s’ouvrira peut-être un jour.

Une peinture géométrique mais pas prévisible, une architecture stricte qui donne un cadre mais pour mieux s’évader. Une peinture silencieuse, contemplative, qui n’a pas de sujet, pas d’objet, pas de forme. Pour n’en retenir que la légèreté et la lumière.

Ces quelques mots extraits de la chanson « Presque rien » de Francis Cabrel (album Hors-saison, 1999) pourraient définir la peinture de Dominique Hieaux :

« c’est rien que du ciel ordinaire
« du bleu comme on en voit partout
« c’est presque rien, c’est tellement peu
« c’est comme du verre, à peine mieux,
« c’est comme un rêve, comme un jeu,
« des pensées prises dans des perles d’eau claire
« et de la lumière surtout
« rien que des musiques légères
« du linge blanc sur des années de guerre

Thursday, December 08, 2005

A l'origine de mes "grilles"

Comment en suis-je venu au vocabulaire graphique que j'utilise ? Cette question m'est souvent posée...

Dans les années 90, je travaillais avenue Matignon, en bas des Champs Elysées. Un quartier de galeries que je visitais souvent ainsi que la librairie Artcurial qui était alors située au 9 de cette avenue Matignon.

Un jour, lors d'une visite éclair, mon oeil est attiré par une oeuvre que je ne connaissais pas. Ce travail me paraît très intéressant, tout en transparences, dans des camaïeux de blanc / beige / gris qui évoquent aussitôt en moi un sentiment d'espace et de plénitude. Je m'approche pour constater - je me sens alors un peu bête - qu'il ne s'agit pas d'une oeuvre mais d'une grille d'aération ou de climatisation ! On est en plein discours de Marcel Duchamp... C'est le lieu, la mise en scène, qui m'a poussé à prendre pour une oeuvre un objet des plus ordinaires.

Le "mal" est fait. Dès lors, je vais commencer à travailler cette thématique pour retrouver cette ambiance, ces lumières, et tenter de faire partager cette dimension poétique autour de moi.

De retour à la maison, je vais peindre ma première grille, que j'ai toujours.

Sans titre, 1992, H80 x L80
Technique mixte sur toile (acrylique et plâtre)
Cette toile n'est pas à vendre

Wednesday, November 30, 2005

Transparence et lumière, retenue et calme...

Kandinsky note que "la musique est l'art qui utilise ses moyens non pour représenter les phénomènes de la nature mais pour exprimer la vie spirituelle de l'artiste et créer une vie propre des sons musicaux".

Ma démarche relève d'une telle recherche. Non que j'assimile ma peinture à une "composition" musicale : il ne s'agit pas de "faire entendre" en donnant à voir - ce qui serait absurde et virtuellement perdu d'avance. En revanche, l'objectif est de provoquer un sentiment, une émotion, en utilisant les moyens de la peinture sans imiter la nature. Et en réduisant les choses à l'essentiel.

Qu'elle s'appuie sur une abstraction géométrique ou - plus rarement - expressionniste, ma peinture est délibérément silencieuse : loin d'une agitation extérieure génératrice d'interférences, elle cherche à provoquer un état de calme et de retour sur soi. En prenant le contre-pied d'un monde pressé mais amnésique, ma peinture parie sur l'instant présent : elle n'imite pas le passé ni ne propose de réponses pour l'avenir. Ces références et ces réponses sont en chacun de nous.

Plus qu’une simple image, trop informative, directive, ou trop rapidement décodable, chaque toile est un support à l’évasion, une fenêtre ouverte sur un voyage intérieur. Elle ne se livre pas totalement à la première lecture et demande une certaine attention à son spectateur (à ce propos, il est important de noter que mon travail est très difficile à photographier… et encore plus à voir sur Internet !). Agnès Martin (1912 - 2004) disait de son travail : "Quiconque est capable de s'asseoir deux heures face au désert pour simplement le contempler comprend ma peinture". Je reprendrai volontiers cette formule.

Ni représentatives ni totalement abstraites, mes peintures sont presque toujours inspirées par un lieu, un moment : à l'opposé de l'hyperréalisme sans être pour autant (à mes yeux) purement abstraites, on pourrait parler "d'infraréalisme". Une démarche radicale, exigeante parfois, au service de l'émotion.

La technique développée ici repose sur la répétition de signes – le carré, la ligne - qui, par leur juxtaposition, créent une tension à la manière d'une trame d'imprimerie. On peut en ce sens être tenté de faire une comparaison avec la démarche de Roy Lichtenstein qui détourne les techniques de l'impression en produisant ses séries de "comics". Mais plus fondamentalement, on peut chercher un parallèle avec la musique – encore une fois – et particulièrement avec la musique répétitive et la musique sérielle. C'est la répétition continue du "presque" même signe, sa quasi psalmodie, qui installe une ambiance, crée une vibration, installe une résonance.

Le choix de l’emplacement de la toile dans l’espace dans lequel elle est accrochée est déterminant : les sources de lumière la font vivre, provoquent des tensions, des reflets, des oppositions mat/satiné qui font partie intégrante de la composition. Chaque heure du jour, chaque changement de lumière nourrit différemment la toile, apporte un nouvel éclairage – dans tous les sens du terme - et provoque une nouvelle lecture.